Les conditions de l’expulsion en référé d’un occupant sans titre du domaine public.

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Conseil d’Etat, 8ème s/s 16 mai 2003 Req. N°249880, SARL ICOMATEX

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 août et 12 septembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la SARL ICOMATEX demandant au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 8 août 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, saisi sur le fondement de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, lui a enjoint, ainsi qu’à toutes personnes dépendant d’elle, d’évacuer sans délai la case n° 4 du marché d’intérêt national de Strasbourg, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

2°) statuant après cassation, de rejeter la demande présentée par la Société d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Strasbourg devant le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner la société d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Strasbourg au versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du domaine de l’Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Quinqueton, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Garaud-Gaschignard, avocat de la SARL ICOMATEX et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la société Samins,

– les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par l’ordonnance attaquée du 8 août 2002, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, après avoir relevé que la SARL ICOMATEX devait être regardée comme occupant sans droit ni titre du domaine public, du fait du non-renouvellement, à compter du 14 mars 2002, du contrat de concession qui lui avait été consenti par la société d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Strasbourg (société SAMINS), pour l’occupation d’une case à usage d’entrepôt, lui a enjoint d’évacuer cette case ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune mesure administrative » ;

Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d’urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse ; que, s’agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d’expulsion fait suite à la décision du gestionnaire du domaine de retirer ou de refuser de renouveler le titre dont bénéficiait l’occupant et où, alors que cette décision exécutoire n’est pas devenue définitive, l’occupant en conteste devant lui la validité, le juge des référés doit rechercher si, compte tenu tant de la nature que du bien-fondé des moyens ainsi soulevés à l’encontre de cette décision, la demande d’expulsion doit être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par décision en date du 20 février 2001, le président du conseil d’administration de la Société d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Strasbourg a fait connaître à la société ICOMATEX sa décision de ne pas renouveler la convention d’occupation du domaine public dont elle bénéficiait jusqu’au 14 mars 2002 et lui a enjoint de libérer à cette date l’entrepôt qu’elle occupait en vertu de cette convention ; qu’en jugeant qu’à la date où il statuait, la SARL ICOMATEX occupait sans droit ni titre le domaine public, sans rechercher si les illégalités invoquées par elle à l’encontre de la décision de non-renouvellement de la concession dont elle était titulaire étaient de nature à caractériser une contestation sérieuse de la mesure d’expulsion demandée par le gestionnaire du domaine public, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a commis une erreur de droit ; que la SARL ICOMATEX est, par suite, fondée à demander l’annulation de son ordonnance ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, d’une part, que pour s’opposer à la demande de la société Samins, la SARL ICOMATEX se prévaut de l’illégalité dont serait entachée, selon elle, la décision du 20 février 2001, contre laquelle elle a formé un recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Strasbourg ; qu’elle soutient, en premier lieu, que bien qu’elle soit constitutive en vérité d’un retrait de concession pour faute, cette décision n’a cependant pas été prise selon la procédure disciplinaire et par l’autorité compétente prévues à l’article 43 du règlement intérieur du marché et que les fautes qui lui sont imputées ne sont pas de nature à justifier une telle sanction qui procède d’un détournement de procédure ; que la société fait valoir en second lieu qu’à supposer même que la décision s’analyse comme un non-renouvellement à l’échéance de la concession pour un motif d’intérêt général, elle est intervenue en méconnaissance des stipulations de l’article 12 de la convention dès lors qu’il n’a pas été justifié d’un tel motif et qu’elle ne s’est pas accompagnée du versement préalable de l’indemnité prévue par cet article ; que toutefois, en l’état de l’instruction, aucun de ces moyens ne peut être regardé comme soulevant, dans les circonstances de l’espèce, une contestation sérieuse de la mesure d’expulsion demandée par la société Samins ;

Considérant, d’autre part, que le maintien sur les lieux de la société fait obstacle à l’utilisation normale et conforme au règlement intérieur de l’emplacement qu’elle occupe dans le marché d’intérêt national de Strasbourg ; qu’il y a, par suite, urgence à libérer l’emplacement en cause ;

Considérant que la société Samins est dès lors fondée à demander l’expulsion de la SARL ICOMATEX, au besoin sous astreinte ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de fixer cette astreinte à 150 euros par jour à compter de l’expiration d’un délai de huit jours suivant la date de notification de la présente décision ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Samins, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la SARL ICOMATEX la somme qu’elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu en revanche de condamner la SARL ICOMATEX à payer à la société Samins une somme de 3 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 8 août 2002 du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg est annulée.

Article 2 : Il est enjoint à la SARL ICOMATEX d’évacuer sans délai l’emplacement du marché d’intérêt national de Strasbourg qu’elle occupe, sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de huit jours à compter de la notification de la présente décision.

Article 3 : La SARL ICOMATEX paiera à la société Samins une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SARL ICOMATEX tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative présentées devant le Conseil d’Etat et devant le juge des référés du tribunal administratif sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SARL ICOMATEX et à la Société d’aménagement et de gestion du marché d’intérêt national de Strasbourg.

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