Principes et obligations de la fonction publique et utilisation de l’adresse électronique professionnelle

Le Conseil d’Etat vient de rappeler aux agents publics que l’Internet ne les affranchit pas du respect des principes et obligations de la fonction publique qui les régissent (CE 15 octobre 2003 M. Jean-Philippe X…, Req. n° 244428).

Dans cette affaire le Ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche avait infligé à un agent de l’Ecole nationale des arts et métiers la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de six mois, dont trois mois avec sursis

Le Conseil d’Etat approuve les juges du fond d’avoir relevé d’une part que le fait pour cet agent d’utiliser des moyens de communication du service au profit de l’Association pour l’unification du christianisme mondial et, d’autre part, que le fait d’apparaître, dans les conditions susrappelées, sur le site de cette organisation en qualité de membre de celle-ci, constituaient un manquement au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité qui s’impose à tout agent public.

Cet arrêt a été aussi une occasion pour le Conseil d’Etat de préciser que le Conseil de discipline, dans la mesure où il se limite à proposer une sanction, ne présente pas le caractère d’une juridiction au sens des stipulations du 1 de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme lesquelles garantissent le caractère public, équitable, contradictoire et impartial d’un procès.

Chritian NZALOUSSOU




Droit de l’informatique : précisions sur les notions de traitement de données à caractère personnel et de transfert de données

Champ d’application de la directive relative à la protection des personnes physique à l’égard du traitement des données

La Cour de Justice des Communautés européennes vient de préciser (CJCE 6 novembre 2003, Bodil Lindqvist affaire C-101/01) le champ d’application de la directive 95/46 /CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, y compris la notion de transfert de données personnelles vers un pays tiers.

Selon la Cour :

– L’opération consistant à faire référence, sur une page Internet, à diverses personnes et à les identifier soit par leur nom, soit par d’autres moyens, par exemple leur numéro de téléphone ou des informations relatives à leurs conditions de travail et à leurs passe-temps, constitue un « traitement de données à caractère personnel, automatisé en tout ou en partie, » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 95/46 /CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

– Un tel traitement de données à caractère personnel ne relève d’aucune des exceptions figurant à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 95/46.

– L’indication du fait qu’une personne s’est blessée au pied et est en congé de maladie partiel constitue une donnée à caractère personnel relative à la santé au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 95/46.

– Il n’existe pas de « transfert vers un pays tiers de données » au sens de l’article 25 de la directive 95/46 lorsqu’une personne qui se trouve dans un État membre inscrit sur une page Internet, stockée auprès d’une personne physique ou morale qui héberge le site Internet sur lequel la page peut être consultée et qui est établie dans ce même État ou un autre État membre, des données à caractère personnel, les rendant ainsi accessibles à toute personne qui se connecte à Internet, y compris des personnes se trouvant dans des pays tiers.

– Les dispositions de la directive 95/46 ne comportent pas, en elles-mêmes, une restriction contraire au principe général de la liberté d’expression ou à d’autres droits et libertés applicables dans l’Union européenne et correspondant notamment à l’article 10 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Il appartient aux autorités et aux juridictions nationales chargées d’appliquer la réglementation nationale transposant la directive 95/46 d’assurer un juste équilibre des droits et intérêts en cause, y compris les droits fondamentaux protégés par l’ordre juridique communautaire.

– Les mesures prises par les États membres pour assurer la protection des données à caractère personnel doivent être conformes tant aux dispositions de la directive 95/46 qu’à son objectif consistant à maintenir un équilibre entre la libre circulation des données à caractère personnel et la protection de la vie privée. En revanche, rien ne s’oppose à ce qu’un État membre étende la portée de la législation nationale transposant les dispositions de la directive 95/46 à des domaines non inclus dans le champ d’application de cette dernière, pour autant qu’aucune autre disposition du droit communautaire n’y fasse obstacle.

Christian NZALOUSSOU




Sélection du transporteur en matière de télécommunications et protection du consommateur

CE 15 octobre 2003, l’Association de Défense, d’Education et d’Information du Consommateur (ADEIC)

CE 15 octobre 2003, l’Association de Défense, d’Education et d’Information du Consommateur (ADEIC), l’Association Léo Lagrange pour la Défense des Consommateurs et autres Req. n° 240645

La sélection du transporteur est un mécanisme qui permet aux abonnés de France Télécom de confier à des transporteurs alternatifs leurs appels nationaux, internationaux et fixe vers mobile, à l’exclusion des appels locaux et les appels à destination des numéros spéciaux, courts et d’urgence. Ce mécanisme, mise en œuvre pour favoriser la concurrence entre l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs, peut se présenter sous la forme de sélection appel par appel ou sous la forme de présélection.

Par un arrêté du 26 septembre 2001 du secrétaire d’Etat à l’industrie a homologué la décision n° 2001-691 de l’Autorité de régulation des télécommunications en date du 18 juillet 2001 précisant les conditions et les délais de mise en oeuvre de la sélection du transporteur pour les appels locaux internes aux zones locales de tri. Cet arrêté a été attaqué devant le Conseil d’Etat par diverses associations de défense de consommateurs en ce qu’il a homologué le 2e alinéa de l’article 4 de la décision précitée de l’ART lequel serait contraire à l’article L. 122-3 du code de la consommation qui interdit la fourniture de services sans commande préalable du consommateur lorsqu’elle fait l’objet d’une demande de paiement.

Le Conseil d’Etat fait droit à la demande d’annulation sur ce fondement en considérant que, la disposition critiquée a pour objet de mettre en oeuvre, sur demande des opérateurs, un processus technique de suppression du tri des appels locaux dans des conditions telles que les usagers desdits opérateurs seront automatiquement regardés, sauf refus exprès, comme ayant tacitement accepté une modification de leur contrat d’abonnement par adjonction de ce nouveau service.

Le Conseil rappelle donc que, dans l’exercice des compétences qu’elle tient des dispositions de l’article L. 36-6 et D. 99-16 du code des postes et télécommunications, « il incombe à l’Autorité de régulation des télécommunications de ne pas placer les opérateurs – serait-ce dans le but de favoriser une concurrence plus ouverte – en situation de méconnaître les dispositions précitées du code de la consommation qui interdisent la vente sans commande préalable ; qu’en subordonnant seulement à deux démarches préalables d’information des abonnés par les opérateurs l’extension de leur contrat au nouveau service des appels locaux, ce qui impliquait que le silence des abonnés vaudrait acceptation tacite de cette modification contractuelle, l’article 4 de la décision attaquée de l’Autorité de Régulation des Télécommunications a méconnu les dispositions de l’article L. 122-3 précité du code de la consommation. »

Christian NZALOUSSOU




La CJCE gardienne des droits et libertés des téléspectateurs ?

La Cour de justice des communautés européennes (aff. RTL Television GmbH et Niedersächsische Landesmedienanstalt für privaten Rundfunk du 23 octobre 2003) vient de se prononcer à titre préjudiciel sur deux questions pour le moins surprenantes. La première consiste à savoir si l’article 11, paragraphe 3, de la directive 89/552/CEE modifié du Conseil, du 3 octobre 1989, dite « directive Télévision Sans Frontières » ou « Directive TSF » s’applique aux téléfilms conçus dès le départ pour l’insertion d’interruptions publicitaires. La seconde est relative aux critères requis pour que la diffusion de plusieurs films de télévision puisse être considérée comme une série.

Il convient de préciser que cette directive pose le principe d’une période minimale de 20 minutes à repecter entre deux interruptions publicitaires, pour tout programme audiovisuel.

L’article 11, § 3 de la directivie TSF prévoit un régime de protection renforcée pour les œuvres audiovisuelles, telles que les longs métrages et films conçus pour la télévision, à savoir une seule interruption publicitaire par tranche de 45 minutes et une interruption supplémentaire si l’émission a une durée supérieure d’au moins 20 minutes à deux ou plusieurs tranches complètes de 45 minutes.

Il est prévu parallèlement une exception pour les séries, feuilletons, émissions de divertissements et documentaires, qui relèvent de la règle des « 20 minutes ».

RTL était poursuivie par l’autorité de régulation allemande au motif qu’elle n’aurait pas respectée les dispositions de la législation nationale reprenant le droit communautaire.

En vue de contester sa soumission à ces dispositions l’opérateur audiovisuel soutenanit notamment que celles-ci visaient à préserver l’intégrité et la valeur des œuvres artistiques ainsi que l’indépendance rédactionnelle. Cette disposition n’aurait qu’à titre subsidiaire pour objectif de protéger les consommateurs. Mais qu’en tout état de cause, cette protection des poducteurs ou créateurs ne saurait lui être opposer puisque les œuvres en cause faisaient partie de ses productions. RTl invoquait aussi la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la convention européenne des droits de l’homme.

En outre, s’agissant de la protection des œuvres produites spécialement pour la télévision et conçues dès le départ en prévoyant des pauses pour l’insertion de spots publicitaires, celles-ci répondent exclusivement à la qualification de feuilletons ou de séries et non de films de télévision, dans le sens de l’article 11 § 3 de la Directive TSF. En effet, une telle extension porterait atteinte de manière injustifiée aux droits fondamentaux des organismes de radiodiffusion télévisuelle.

Mais la Cour a jugé pour droit que « Des films qui ont été produits pour la télévision et qui prévoient, dès leur conception, des pauses pour l’insertion de messages publicitaires relèvent de la notion de « films conçus pour la télévision » visée à l’article 11, paragraphe 3, de la directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle, telle que modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 1997. » En outre, « les liens devant relier les films pour qu’ils puissent relever de l’exception prévue pour les « séries » à l’article 11, paragraphe 3, de ladite directive doivent porter sur le contenu des films concernés, tels que, par exemple, l’évolution d’un même récit d’une émission à l’autre ou la réapparition d’un ou de plusieurs personnages dans les différentes émissions. »

L’intérêt de cet arrêt est notamment de faire primer le droit des consommateurs que sont les téléspectateur face à une liberté fondamentale (liberté d’expression) garantie par la directive TSF et l’article 10 de la CEDH. Doit-on y voir une consécration du droit des téléspectateur de ne pas être « assailli » de messages publicitaires supérieur au droit à la liberé d’expression des annonceurs et des entreprises audiovisuelles ?

Christian NZALOUSSOU




Un nouveau décret relatif au soutien financier de l’industrie vidéographique

Un nouveau dispositif de soutien financier de l’industrie vidéographique vient d’être mis en place par le décret n° 2003-1018 du 24 octobre 2003 (Journal officiel du 25 octobre 2003).

Ce texte, qui abroge le décret n° 94-562 du 30 juin 1994 relatif au soutien financier de l’Etat à l’édition de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public, étend les subventions versées par le CNC au titre du soutien financier de l’industrie cinématographique et de l’industrie audiovisuelle à l’industrie vidéagraphique. Il s’agit de deux types de subventions :

1° Il s’agit d’abord des subventions proportionnelles ou sélectives en vue de concourir à l’édition de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public.

a) Ces subventions proportionnelles sont attribuées par le directeur général du CNC et déterminées par application de taux au montant du chiffre d’affaires déclaré par l’entreprise d’édition au Centre national de la cinématographie au titre :

– de chaque oeuvre cinématographique de longue durée pour laquelle a été délivré l’agrément de production prévu aux articles 40 à 49 du décret du 24 février 1999 susvisé ;

– de chaque programme composé d’oeuvres cinématographiques de courte durée dont au moins 70 % sont titulaires de l’autorisation de production prévue par la réglementation en application de l’article 2 du code de l’industrie cinématographique ainsi que d’un visa d’exploitation postérieur au 1er janvier 1995. Lorsque les oeuvres cinématographiques concernées sont produites par au moins une entreprise de production répondant aux conditions de l’article 7 du décret du 24 février 1999 susvisé, elles doivent répondre aux deux conditions susmentionnées.

b) Le calcul de son taux, fixé par arrêté conjoint du ministre chargé de l’économie et du ministre chargé de la culture, est effectué par application de taux au montant du chiffre d’affaires déclaré par l’éditeur des oeuvres cinématographiques, pendant une durée de six ans à compter de la première représentation commerciale. Les taux sont fixés par arrêté. »

c) Peuvent en bénéficier les entreprises d’édition qui répondent aux conditions suivantes :

– Etre déclarées et établies en France. Sont réputées établies en France les entreprises y exerçant effectivement une activité au moyen d’une installation stable et durable et dont le siège social est situé en France, dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ou dans un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ;

– Avoir des présidents, directeurs ou gérants soit de nationalité française, soit ressortissants d’un Etat membre de la Communauté européenne, d’un Etat partie à la convention européenne sur la télévision transfrontière du Conseil de l’Europe ou d’un Etat tiers européen avec lequel la Communauté européenne a conclu des accords ayant trait au secteur audiovisuel. Les étrangers autres que les ressortissants des Etats européens précités justifiant de la qualité de résident sont assimilés aux citoyens français pour l’application des présentes dispositions.

2° Il s’agit ensuite des subventions à des organismes de droit public ou privé, dans l’intérêt général de l’édition vidéographique, en vue de favoriser des actions d’information et de promotion de l’édition vidéographique.

a) Des subventions peuvent en effet être attribuées par le directeur général du Centre national de la cinématographie à des organismes de droit public ou privé assurant des actions d’information des professionnels et de promotion en France et à l’étranger de l’édition de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public.

b) Chaque subvention accordée fait l’objet d’une convention établie entre le Centre national de la cinématographie et l’organisme bénéficiaire. Cette convention fixe notamment les modalités de versement de la subvention ainsi que les circonstances dans lesquelles celle-ci est sujette à répétition.