Quid de l’intangibilité de l’ouvrage public ?

Cour de cassation, 3e ch. civile 30 avril 2003, Consorts X… contre Commune de Verdun-sur-Ariège, N° 01-14.148, Arrêt n° 518.

Sur le premier moyen :

Attendu qu’ayant constaté que M. Mangin, hydrogéologue qui avait procédé à l’examen géologique du captage des sources de Bals, précisait de manière formelle que le positionnement de la source indiqué sur le plan qui accompagnait son rapport n’était qu’indicatif et relevé qu’il ressortait d’un compte rendu des travaux de captage établi en février 1994 par le Bureau de recherches géologiques et minières que l’emplacement exact du captage avait été déterminé en dégageant la source et en remontant sur plusieurs mètres dans le lit de sable et galets emprunté par l’eau, le tube inox de captage ayant été posé à un niveau inférieur à l’ancien écoulement, qu’un schéma permettait de visualiser le lieu de captage situé en amont du local technique et qu’il résultait du bornage judiciaire entériné par jugement du 13 novembre 1998 que le château d’eau était pour ses deux tiers en partie aval sur la parcelle 485, la cour d’appel a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement que la source n’avait pas été captée sur la parcelle 485 appartenant aux consorts X… ;

Mais sur le second moyen :

Vu l’article 544 du Code civil ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 5 juin 2001), que Mmes X…, Y… et Z… (les consorts X…), propriétaires indivis d’une parcelle située sur le territoire de la commune de Verdun-sur-Ariège, se plaignant de l’empiétement sur cette parcelle d’un bâtiment construit par la commune pour capter l’eau de la source du « Bals inférieur », ont assigné la commune pour obtenir la démolition du bâtiment, le rétablissement de la source en son état initial et le paiement de dommages-intérêts ;

Attendu que pour refuser d’ordonner la démolition du bâtiment empiétant sur la parcelle appartenant aux consorts X… et allouer à ces derniers une certaine somme à titre de dommages-intérêts, l’arrêt retient que le juge judiciaire ne peut ordonner la destruction d’un ouvrage public mais a le pouvoir d’allouer des dommages-intérêts à celui qui subit un préjudice à la suite d’une voie de fait ;

Qu’en statuant ainsi, alors que si les juridictions de l’ordre judiciaire ne peuvent prescrire aucune mesure de nature à porter atteinte, sous quelque forme que ce soit, à l’intégrité ou au fonctionnement d’un ouvrage public, il en va autrement dans l’hypothèse où la réalisation de l’ouvrage procède d’un acte qui est manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l’autorité administrative et qu’aucune procédure de régularisation appropriée n’a été engagée, la cour d’appel qui, par un motif non critiqué, a retenu l’existence d’une voie de fait, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il a débouté les consorts X… de leur demande d’expertise tendant à la détermination du point d’émergence de la source du « Bals inférieur » dans l’état initial du terrain, l’arrêt rendu le 5 juin 2001, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux ;




La nécessité de concilier protection de l’emploi et liberté de la concurrence en cas de reprise d’activité économique

Conseil d’Etat, 30 avril 2003 SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT, Req. N° 230804.

– M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
– M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes, rapporteur

Vu la requête, enregistrée le 28 février 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT, demandant au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté du ministre de l’emploi et de la solidarité du 28 décembre 2000 portant extension de la convention collective nationale des services d’eau et d’assainissement du 12 avril 2000, en tant qu’il étend son article 2-5 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 10 000 F (1 524,49 euros) au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code du travail ; Vu le code général des collectivités territoriales ; Vu le code des marchés publics ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Eoche-Duval, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat du Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement,
– les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;

Sur la qualité du président du SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT pour agir au nom de celui-ci :

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’action du SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT dirigée contre l’arrêté du ministre de l’emploi et de la solidarité du 28 décembre 2000 portant extension de la convention collective nationale des services d’eau et d’assainissement du 12 avril 2000 a été engagée par M. Ruas, président de ce syndicat, qui tient des statuts de celui-ci qualité pour le représenter en justice ; que, contrairement à ce que soutient le Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement, la circonstance que la réélection de M. Ruas à la présidence du SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT serait intervenue en méconnaissance des règles fixées par les statuts de cette organisation en matière de renouvellement des mandats ne peut être utilement invoquée pour contester la qualité pour agir de M. Ruas ;

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

Considérant, d’une part, qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 133-8 du code du travail : « A la demande d’une des organisations visées à l’article L. 133-1 ou à l’initiative du ministre chargé du travail, les dispositions d’une convention de branche ou d’un accord professionnel ou interprofessionnel, répondant aux conditions particulières déterminées par la section précédente, peuvent être rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d’application de ladite convention ou dudit accord, par arrêté du ministre chargé du travail, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective prévue à l’article L. 136-1 » ; que, selon le dernier alinéa du même article : « Toutefois, le ministre chargé du travail peut exclure de l’extension, après avis motivé de la commission nationale de la négociation collective, les clauses qui seraient en contradiction avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur (…) » ;

Considérant, d’autre part, qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 122-12 du même code : « S’il survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise » ;

Considérant que les stipulations de l’article 2-5, relatives au « transfert du contrat de travail », de la convention collective nationale des services d’eau et d’assainissement du 12 avril 2000, étendue par l’arrêté attaqué, visent les « contrats d’exploitation (délégations ou marchés) de services publics d’eau et d’assainissement ainsi que les prestations de service globales dont la durée totale (renouvellement compris) est supérieure à 2 ans intervenant dans ces mêmes domaines » ; qu’après avoir rappelé, au point 1, que « Lorsque les conditions d’application de l’article L. 122-12, alinéa 2, du code du travail sont réunies, le transfert de personnel est opposable à tous, employeurs et salariés », l’article 2-5 prévoit, au point 2, des dispositions particulières, destinées à s’appliquer lorsque les conditions de cette application ne sont pas réunies ou en cas de désaccord sur son applicabilité entre les employeurs concernés « afin d’assurer au mieux la continuité des emplois des salariés affectés à l’exploitation de ces services publics » , et selon lesquelles « l’employeur entrant » reprend les contrats de travail des salariés de « l’employeur sortant » affectés à l’exploitation et à la clientèle depuis au moins six mois, le nombre de salariés ainsi transférés correspondant notamment à « l’effectif équivalent temps plein » ;

Considérant qu’il ressort des termes mêmes de l’article 2-5 de la convention étendue que, si le point 1 se borne à rappeler que les dispositions du second alinéa de l’article L. 122-12 du code du travail sont susceptibles de s’appliquer en cas de poursuite de l’exécution d’un marché de prestations de services ou d’une délégation de service public par un nouveau titulaire, comme c’est le cas lorsque se trouve caractérisé le transfert d’une entité économique ayant conservé son identité et dont l’activité est poursuivie ou reprise, en revanche les stipulations du point 2 ont pour objet d’imposer à l’ « employeur entrant », sous certaines réserves, la reprise des contrats de travail même lorsque les conditions d’application du second alinéa de l’article L. 122-12 ne sont pas réunies ;

Considérant que dans la mise en œuvre des pouvoirs que le ministre du travail tient des dispositions précitées de l’article L. 133-8 du code du travail, il lui appartient de veiller à ce que l’extension d’une convention collective ou d’un accord collectif de travail n’ait pas pour effet de conduire à empêcher, restreindre ou fausser le jeu de la concurrence sur un marché, notamment en limitant l’accès à ce marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises ; qu’il en va en particulier ainsi dans les secteurs où des entreprises sont candidates à des délégations de services publics ou à des marchés publics ; qu’à ce titre, il incombe au ministre d’opérer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, une conciliation entre, d’une part, les objectifs d’ordre social de nature à justifier que les règles définies par les signataires d’une convention ou d’un accord collectif soient rendues obligatoires pour tous les salariés et employeurs du secteur et, d’autre part, les impératifs tenant à la préservation de la libre concurrence dans le secteur en cause ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment de l’avis rendu le 4 décembre 2000 par le Conseil de la concurrence sur les conséquences de l’extension de la convention litigieuse, que l’offre potentielle sur le marché de la distribution et de l’approvisionnement en eau est partagée pour l’essentiel entre trois groupes ; que si le secteur de l’épuration est moins concentré, son évolution tend à favoriser la domination des mêmes groupes ; qu’en raison notamment du poids des dépenses de personnel pour les entreprises de ces secteurs, la généralisation des obligations définies au point 2 de l’article 2-5 de la convention, en obligeant les nouveaux titulaires d’un marché public ou d’une délégation de service public relatifs aux services d’eau ou d’assainissement, y compris ceux de ces titulaires qui n’adhèrent pas à l’organisation patronale signataire de la convention, à reprendre le personnel en place auquel l’employeur sortant n’aura pas proposé une autre affectation, est de nature à dissuader les concurrents de présenter leur candidature et à aggraver les distorsions de concurrence entre les concessionnaires sortants et les soumissionnaires ;

Considérant que, alors même que la clause litigieuse a pour objet de préserver l’emploi dans les entreprises des secteurs en cause, il résulte de ce qui précède qu’en l’espèce, son extension est, compte tenu des caractéristiques propres du marché des services d’eau et d’assainissement, de nature à porter une atteinte excessive à la libre concurrence ; qu’ainsi, cette extension est intervenue en méconnaissance des principes énoncés ci-dessus ; que, par suite, le syndicat requérant est fondé à demander l’annulation des dispositions de l’arrêté attaqué étendant les stipulations du point 2 de l’article 2-5 de la convention collective nationale des services d’eau et d’assainissement qui sont, eu égard à leur teneur, divisibles des autres dispositions de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner l’Etat à verser au SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT. la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que ces mêmes dispositions font, en tout état de cause, obstacle à ce que le syndicat requérant soit condamné à verser au Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement la somme que celui-ci demande au même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du ministre de l’emploi et de la solidarité du 28 décembre 2000 portant extension de la convention collective nationale des services d’eau et d’assainissement du 12 avril 2000 est annulé, en tant qu’il étend le point 2 de l’article 2-5 de cette convention.

Article 2 : L’Etat versera au SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT PROFESSIONNEL DES EXPLOITANTS INDEPENDANTS DES RESEAUX D’EAU ET D’ASSAINISSEMENT, au Syndicat professionnel des entreprises de services d’eau et d’assainissement et au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.




L’applicabilité de l’article L. 122-12 du code du travail aux collectivités publiques

La Cour de cassation vient de se prononcer sur la question du transfert des contrats de travail en cas de reprise et d’exploitation en régie directe d’une activité antérieurement confiée à un concessionnaire.

Elle fait application, aux collectivités locales, de l’article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail visant le maintien des contrats de travail par le nouvel employeur, en cas de poursuite ou de reprise d’activité par celui-ci. Peu importe que le nouvel employeur soit une personne public et l’ancien, une personne privée.

Cour de cassation – Chambre sociale 14 janvier 2003, N°01-43.676 Commune de Théoule-Sur-Mer

Sur le moyen unique :

Attendu que, selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 10 avril 2001), la commune de Théoule-sur-Mer a décidé d’exploiter en régie directe, à compter du 1er mars 2000, le port de plaisance de la Figeirette à Miramar, jusque là concédée à la société civile immobilière du Port de Miramar ; que Mme X…, salariée de ladite société en qualité de secrétaire de direction, a saisi le juge prud’homal des référés pour avoir paiement, par la commune, d’une provision sur ses salaires dus à compter du 1er mars 2000 ;

Attendu que la commune de Théoule-sur-Mer fait grief à l’arrêt d’avoir jugé que la responsabilité du contrat de travail de Mme X… lui était échue et qu’elle devait satisfaire à ses obligations d’employeur, alors, selon le moyen :

1° que la commune de Théoule-sur-Mer déniait la compétence du juge des référés prud’homaux en raison d’une contestation sérieuse sur l’application au litige des dispositions de l’article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail, dès lors que celles-ci ne sont pas applicables à la reprise en régie directe par une commune d’une activité relevant d’un service public administratif ; qu’en faisant application de ces dispositions, au seul motif qu’en procédant au rachat anticipé de la concession accordée à la SCI du port de Miramar, la commune de Théoule-sur-Mer avait repris « le port de plaisance, ses installations et sa gestion », qui constituaient une « activité économique », sans s’expliquer sur le caractère du service public concédé, compte tenu de son objet, de l’origine de ses ressources et des modalités de son fonctionnement, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article R. 516-30 du Code du travail ;

2° que, subsidiairement, en statuant ainsi, sans rechercher si la reprise en régie directe du service public par la commune de Théoule-sur-Mer n’avait pas entraîné, compte tenu de l’objet du service, de l’origine de ses ressources et des modalités de son fonctionnement, la création d’un service public à caractère administratif, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article R. 516-30 du Code du travail ;

3° que, subsidiairement, en statuant ainsi, sans rechercher si l’activité à laquelle était affectée la secrétaire de direction, avant le rachat anticipé de la concession, ne relevait pas d’un service public à caractère administratif, comme le soutenait la commune de Théoule-sur-Mer, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article R. 516-30 du Code du travail ;

4° que, subsidiairement, à l’appui de ses conclusions, la commune de Théoule-sur-Mer avait produit le jugement rendu en sa faveur le 13 juin 2000 par le tribunal administratif de Nice, lequel avait relevé que « l’activité reprise sous forme ultérieure de régie directe par la commune correspondant à la police, l’aménagement du port et sa sécurité ainsi qu’au nettoyage des quais et terre-pleins est exercée au titre d’un service public administratif » ; que, « les activités proprement industrielles et commerciales liées à l’exploitation de l’outillage public avaient fait l’objet de contrats d’amodiation ; que, dès lors, la commune n’avait pas l’obligation de reprise des salariés au sens de l’article L. 122-12-2° du Code du travail lequel n’inclut dans son champ d’application que le personnel dont l’activité relève d’un établissement ou d’un service public industriel ou commercial » ; que « le rachat de la concession du port de La Figeirette par la commune de Théoule-sur-Mer est bien intervenu dans un intérêt général » ; que « l’activité reprise en régie directe est celle d’un service public administratif, et non un service public industriel et commercial » et qu’il « ressort des pièces du dossier que le port va pouvoir devenir un pôle d’animation avec l’organisation, notamment d’activités nautiques hors saison, que la présence physique en continu du personnel municipal devrait permettre d’implanter d’autres services municipaux en dehors de l’enceinte du port et de la poste polyvalente actuelle ; que la normalisation des interventions communales sera effective tant en matière de sécurité du fait de la participation d’un agent du port de plaisance à l’armement de la vedette de la police nautique municipale qu’en matière de financement des travaux, notamment de voirie, que la commune finançait déjà… » ; qu’en omettant de s’en expliquer, à l’effet de rechercher si, eu égard au but d’intérêt général poursuivi par le rachat anticipé de la concession, à l’objet du service public tel qu’exploité désormais en régie directe par la commune de Théoule-sur-Mer, à l’origine de ses ressources et aux modalités de son fonctionnement, l’activité à laquelle était affectée la secrétaire de direction ne relevait pas désormais d’un service public à caractère administratif, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard de l’article R. 516-30 du Code du travail ;

Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 122-12, alinéa 2, du Code du travail interprété au regard de la directive n° 77/187/CEE du Conseil du 14 février 1977 que les contrats de travail en cours sont maintenus entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise en cas de transfert d’une entité économique conservant son identité, dont l’activité est poursuivie ou reprise ; que les circonstances que le cessionnaire soit une personne morale de droit public liée à son personnel par des rapports de droit public et que l’entité économique transférée soit un établissement public administratif ou un établissement public industriel ou commercial ne peut suffire à caractériser une modification dans l’identité de cette entité ;

Et attendu que la cour d’appel a constaté qu’à la suite du rachat de la concession, la commune de Théoule-sur-Mer avait repris à son compte les installations portuaires et la gestion du port de plaisance jusqu’alors assurée par la société du port de Miramar ; qu’elle a pu en déduire que le contrat de travail de Mme X… s’était poursuivi de plein droit avec la commune, quel que soit le caractère du service public et, par voie de conséquence, allouer à l’intéressée une provision sur les salaires qui lui étaient dus ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;




Les exigences de la facturation détaillée en droit communautaire des télécommunications : un rappel du juge communautaire.

Quel est le niveau de détail des consommations devant nécessairement et gratuitement figurer sur les factures des abonnés au service de téléphonie vocale ? Tel est, en substance, le sens de la question posée à la Cour de justice des communautés européennes par la Commission des communautés européennes, et à laquelle le juge communautaire vient de répondre.

Dans un récent arrêt du 14 septembre 2004 (Aff. C-411/02 Commission c/ République d’Autriche), le juge communautaire vient en effet de donner sa lecture des dispositions pertinentes de la directive communautaire, alors en vigueur, n° 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel.

L’article 14 de cette directive fait obligation aux Etats membres – afin d’assurer que les utilisateurs peuvent, par l’intermédiaire des réseaux téléphoniques publics fixes, accéder le plus rapidement possible à la facturation détaillée et à l’interdiction sélective des appels, sur demande, – d’imposer aux opérateurs l’établissement des « factures détaillées [qui] font apparaître un niveau de détail suffisant pour permettre la vérification et le contrôle des frais inhérents à l’utilisation du réseau téléphonique public fixe et/ou des services téléphoniques publics fixes. _La facturation détaillée de base est disponible sans frais supplémentaires pour l’utilisateur. S’il y a lieu, une présentation encore plus détaillée peut être proposée à l’abonné à un tarif raisonnable ou gratuitement. Le niveau de base de la facturation détaillée peut être fixé par les autorités réglementaires nationales. _Les appels qui sont gratuits pour l’abonné appelant, y compris les appels aux lignes d’assistance, ne sont pas indiqués sur la facture détaillée de l’abonné appelant. »

Dans cette affaire, la Commission reprochait notamment à la république d’Autriche de ne pas avoir respecté les dispositions de l’article 14, paragraphe 2, ci-dessus, selon lesquelles les factures détaillées doivent faire apparaître un niveau de détail suffisant pour permettre la vérification et le contrôle des frais inhérents à l’utilisation du réseau téléphonique public ; en ce que la loi autrichienne prévoit seulement que la facturation comportait uniquement « un relevé des montants classés par types de frais », sans toutefois permettre à l’abonné de vérifier la date à laquelle un appel a été effectué ni le numéro appelé, ni encore de contrôler efficacement ses frais.

Après avoir relévé avec la Commisison qu’une facturation qui fait uniquement apparaître le nombre d’appels, le total des unités tarifaires utilisées et le prix global correspondant ne permet donc pas la vérification et le contrôle des frais inhérents à l’utilisation du réseau téléphonique public fixe exigé à l’article 14, paragraphe 2, de la directive, la Cour a jugé qu’en « ayant opté pour une facturation consistant en un relevé des montants uniquement classés par types de frais et ne faisant pas apparaître un niveau de détail suffisant pour garantir au consommateur un contrôle et une vérification efficaces, la république d’Autriche a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 98/10/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 1998, concernant l’application de la fourniture d’un réseau ouvert (ONP) à la téléphonie vocale et l’établissement d’un service universel des télécommunications dans un environnement concurrentiel. »

Me Christian NZALOUSSOU, Avocat à la Cour.




Sectorisation des fichiers nominatifs et mise en réseau internet d’un site contenant un fichier de locataires d’impayés locatifs.

Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur les conditions dans lesquelles peut être créé et mise en ligne un fichier de locataire d’impayés locatifs.

Dans un récent arrêt, le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur les conditions dans lesquelles peut être créé et mise en ligne un fichier de locataire d’impayés locatifs.

Dans cette affaire, le gérant d’une société en cours d’immatriculation au RCS, la société Infobail, a adressé à la CNIL une déclaration de traitement de données personnelles mises en œuvre dans le cadre d’un site internet ayant pour finalité la collecte et la diffusion d’informations relatives à des locataires potentiels mauvais payeurs et la constitution d’un fichier de locataires auteurs d’impayés locatifs.

Après avoir modifié son projet en vue de le mettre en confirmé avec les observations de la CNIL, le gérant de cette société s’est vu notifier un nouveau courrier daté du 5 novembre 2003 au terme duquel la CNIL (i) lui demandait de ne pas mettre en ligne sur le réseau internet d’informations relatives aux condamnations, civiles ou pénales, dès lors que la diffusion de telles informations serait contraire à l’article 30 de la loi du 6 janvier 1978, dont la violation est pénalement sanctionnée, (ii) et lui a signalé que la diffusion des informations relatives aux impayés locatifs à des propriétaires immobiliers qui n’ont pas la qualité de professionnels de l’immobilier n’est pas de nature à assurer le respect du principe de sectorisation consistant à limiter l’accès au secteur d’activité concerné, et à empêchant le détournement de la finalité du fichier.

Le requérant a contesté cette interprétation au motif qu’elle était trop restrictive au regard de la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et de la convention européenne pour la protection des personnes à l’égard du traitement automatisé des données à caractère personnel faite à Strasbourg le 28 janvier 1981.

Cet arrêt est intéressant à plus d’un titre :

Il l’est d’abord en ce qu’il rappelle que le gérant d’une société en cours d’immatriculation au registre de commerce et des sociétés justifie d’un intérêt à agir contre une décision portant atteinte aux droits de la société future.

Il l’est aussi en ce que cet arrêt précise la portée de la décision de la CNIL en cause. Selon le Conseil d’Etat, une décision dans laquelle la CNIL indique qu’elle envisage de faire application des dispositions du 4° de l’article 21 de la loi du 6 janvier 1978 qui lui permet d’adresser aux intéressés des avertissements et de dénoncer au parquet les infractions dont elle a connaissance, constitue une mise en demeure susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

Cet arrêt est en outre intéressant en ce que le Conseil d’Etat rappelle les contours de l’étendu du pouvoir d’appréciation de la CNIL sur la légalité des fichiers à mettre en œuvre, cette Commission devant vérifier dans quelle mesure les données que le gestionnaire du fichier se propose de collecter sont pertinentes, en adéquation avec la finalité du traitement et proportionnées à cette finalité, et de rappeler le cas échéant les risques de nature pénale auxquels l’auteur de la déclaration s’exposerait s’il mettait en œuvre son projet en l’état.

Sur le fond de l’affaire enfin, et c’est son ultime intérêt, l’arrêt rapporté réserve la diffusion des informations sur les locataires d’impayés locatifs par le réseau internet aux seuls personnes morales présentant des garanties de professionnalisme telles que les propriétaires institutionnels, les agences immobilières et les administrateurs de biens. Selon le Conseil d’Etat, « eu égard aux risques de discrimination et d’atteinte à la vie privée que comporte la diffusion, par l’intermédiaire du réseau internet, de fichiers automatisés recensant les personnes à risques, une telle préconisation n’est pas entachée d’erreur d’appréciation. » En raison de sa formulation, il convient de considérer que cette analyse n’est pas limité au seul secteur examiné dans cet arrêt (CE 28 juillet 2004, Fathy X…c/ CNIL, req. n°262851)

Me Christian NZALOUSSOU, Avocat.