Juge des référés précontractuels et délégation de service public de télécommunications

En matière de marché public ou de délégation de service public, les pouvoirs reconnus au juge des référés précontractuels sont bien plus importants que ceux qui sont traditionnellement attribués au juge des référés « classique ». Cette affirmation est illustrée par un récent arrêt du Conseil d’Etat, la haute juridiction ayant été conduit à rappeler en ce sens l’étendu du contrôle du juge des référés précontractuels.

Suite à un avis d’appel à candidatures, l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS (APHP) a délégué à la SOCIETE COMMUNICATION HOSPITALIERE le renouvellement et l’exploitation des réseaux de télévision et de téléphone dans plusieurs de ses établissements hospitaliers.

La société SETRAM, candidate évincée, demande la suspension de la procédure d’attribution de cette convention de délégation de service public. Elle soutient notamment que si la SOCIETE COMMUNICATION HOSPITALIERE justifie avoir travaillé en milieu hospitalier, il n’en reste pas moins qu’elle a fait preuve de carences, lors de l’exécution d’une précédente délégation de service public.

Suivant en cela le raisonnement de la SETRAM, le juge des référés précontractuels du Tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance du 9 décembre 2003, suspendu la procédure d’attribution de la délégation de service public.

Saisi d’un pourvoi à l’encontre de cette ordonnance, le Conseil d’Etat l’annule au motif que le premier juge a commis une erreur de droit en ne recherchant pas « si d’autres éléments du dossier de candidature de cette société [la SOCIETE COMMUNICATION HOSPITALIERE] permettaient à celle-ci de justifier de telles références… ».

Rappelons que l’avis d’appel à candidatures en cause retenait comme l’un des critères d’attribution, la production de références en milieu hospitalier pour des opérations du même type , ce critère devant permettre de déterminer si les candidats disposent des capacités techniques et financières pour assurer le service public susceptible de leur être délégué.

Par cet arrêt du 6 octobre 2004, le Conseil d’Etat précise ainsi l’étendu du pouvoir du juge des référés précontractuels lequel, exerçant un contrôle de pleine juridiction, doit vérifier « en particulier les motifs de l’exclusion d’un candidat de la procédure d’attribution de la délégation de service public ». En l’espèce, l’exigence d’une expérience antérieure semble suffisant pour constater que le critère de « production de références » dans le milieu hospitalier.

Christelle MAKOUNDZI-WOLO, D.E.A. Droit et économie de la communication / Master Administration et Gestion de la Communication e-mail : contactAROBASElegiweb.com

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CONSEIL D’ETAT, 7e et 2e SSR, 6 octobre 2004 N° 263083

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Considérant que les deux requêtes enregistrées sous les n° 263083 et 263182 sont dirigées contre la même ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;

Considérant que le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris a, par une ordonnance du 9 décembre 2003, annulé la procédure d’attribution de la délégation de service public relative au renouvellement et à l’exploitation de services de télévision et de téléphone aux malades hospitalisés, pour laquelle l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS avait lancé en septembre 2002 un appel à candidatures ; que l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS et la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE se pourvoient en cassation à l’encontre de cette ordonnance ;

Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics et des conventions de délégation de service public ; / Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l’Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. / Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et de suspendre la passation du contrat ou l’exécution de toute décision qui s’y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations… / Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés. ;

Considérant qu’il appartient au juge administratif, saisi en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, de se prononcer sur le respect des obligations de publicité et de mise en concurrence incombant à l’administration ; que, dans le cadre de ce contrôle de pleine juridiction, le juge vérifie en particulier les motifs de l’exclusion d’un candidat de la procédure d’attribution de la délégation de service public ; que, par suite, il appartenait au juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris de contrôler le bien-fondé des motifs par lesquels l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS avait estimé que les candidatures étaient recevables au regard du critère, mentionné dans les avis d’appel à candidatures, relatif à la production de références en milieu hospitalier pour des opérations du même type , ce critère devant permettre de déterminer si les candidats disposent des capacités techniques et financières pour assurer le service public susceptible de leur être délégué ;

Considérant, toutefois que, pour apprécier si la candidature de la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE devait être regardée comme remplissant ce critère, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris s’est fondé sur des appréciations négatives portées par une autre société candidate sur la manière dont la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE se serait acquittée de ses obligations dans l’exécution d’une précédente délégation de service public dont elle était titulaire ; qu’en se fondant ainsi sur les seuls manquements allégués de la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE dans l’exécution d’une précédente délégation de service public pour estimer que cette entreprise ne justifiait pas des références en milieu hospitalier exigées par les avis d’appel à candidatures, sans rechercher si d’autres éléments du dossier de candidature de cette société permettaient à celle-ci de justifier de telles références, le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ; que, par suite, l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS et la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE sont fondées à en demander l’annulation ;

Considérant qu’en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d’Etat, dans les circonstances de l’espèce, de statuer sur les conclusions présentées devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris ;

Considérant que si la société Setram soutient que l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS ne pouvait admettre la SOCIETE LA COMMUNICATION HOSPITALIERE parmi les candidats au motif que celle-ci ne présentait pas les références en milieu hospitalier pour des opérations de même type prévues par les appels à candidatures faute d’avoir respecté ses obligations lors de l’exécution d’une précédente délégation de service public dont elle était titulaire, ce moyen, ainsi qu’il vient d’être dit, doit être écarté ; que si la société Setram soutient également que l’allotissement auquel a procédé l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS, consistant dans le regroupement de trente hôpitaux en huit lots, dont les caractéristiques seraient hétérogènes, désavantagerait cette société à raison de sa taille, elle n’établit pas que cette répartition en lots méconnaîtrait les obligations de publicité ou de mise en concurrence ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les entreprises admises à présenter des offres aient été placées dans des situations différentes au regard du délai qui s’est écoulé entre la date à laquelle ont été retenues les candidatures et celle à laquelle l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS leur a adressé le cahier des charges et les a invitées à formuler des offres ; que le moyen tiré de ce que la composition de la commission de délégation de service public n’aurait pas été constante tout au long de la procédure n’est assorti d’aucun élément permettant d’en apprécier le bien-fondé ; qu’il ne résulte pas de l’instruction que les entreprises candidates auraient reçu, au sujet de la durée de la convention de délégation de service public ou des personnels et équipements des établissements hospitaliers, des informations dont le caractère incomplet serait susceptible de caractériser un manquement de l’ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS à ses obligations de publicité et de mise en concurrence ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Setram n’est pas fondée à demander l’annulation de la procédure d’attribution de la délégation de service public lancée par l’ASSISTANCE PUBLIQUE HOPITAUX DE PARIS ; Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

D E C I D E :

Article 1er : L’ordonnance du 9 décembre 2003 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulée.

Article 2 : La demande de la société Setram devant le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Paris est rejetée.