Sur les frais de déplacement des ouvrages réalisés par un occupant du domaine public

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Selon la Cour administrative d’appel de Paris, les demandes présentées en matière de travaux publics ne sont assujetties à aucune condition de délai.

La Cour rappelle aussi que le bénéficiaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt direct du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine.

Cour administrative d’appel de Paris 6 février 1997, Req. n° 95PA03254 et n° 96PA00298

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

VU I) enregistrée le 7 septembre 1995 au greffe de la cour sous le n 95PA03254 la requête présentée pour FRANCE TELECOM dont le siège est 6 Place d’Alleray à Paris (XVe) par Me DELVOLVE, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ; FRANCE TELECOM demande à la cour :

1 ) d’annuler le jugement n 87-5077 du 13 avril 1995 par lequel le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la requête du Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement de la Vallée de la Bièvre et annulé la décision du 19 octobre 1987 de la direction opérationnelle des télécommunications de Saint-Quentin-en-Yvelines en tant qu’elle refuse de procéder à ses frais au déplacement des conduites et câbles téléphoniques situés sous la rue Jean Jaurès à Jouy-en-Josas ;

2 ) de rejeter la demande présentée par le Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement de la Vallée de la Bièvre devant le tribunal administratif de Versailles ;

3 ) de condamner le Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement de la Vallée de la Bièvre à lui verser la somme de 15.000 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;

VU, II) enregistrée comme ci-dessus sous le n 96PA00298 la requête par laquelle le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L’ASSAINISSEMENT DE LA VALLEE DE LA BIEVRE a saisi la cour, par application des dispositions de l’article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, aux fins qu’elle ordonne l’exécution du jugement susvisé du tribunal administratif de Versailles ; VU les autres pièces produites et jointes au dossier ; VU le code des postes et télécommunications ; VU le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; VU la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 janvier 1997 :
– le rapport de M. HAIM, conseiller,
– les observations de Me DELVOLVE, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, pour FRANCE TELECOM et celles de Me FABRE-LUCE, avocat, pour le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L’ASSAINISSEMENT DE LA VALLEE DE LA BIEVRE,
– et les conclusions de Mme HEERS, commissaire du Gouvernement ;

Considérant que les requêtes enregistrées sour les n 95PA03254 et 96PA00298 présentent à juger des questions connexes et ont fait l’objet d’une instruction commune ; que, dès lors, il y a lieu de les joindre pour y être statuer par un même arrêt ;

Sur la requête n 95PA03254 :

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu’en regardant la lettre de FRANCE TELECOM du 19 octobre 1987 annonçant l’émission d’un ordre de paiement pour le recouvrement des frais de déplacement de ses installations, comme un refus d’assumer la charge de ces frais, les premiers juges n’ont pas fait une interprétation inexacte de sens et de la portée de ladite lettre ;

Considérant, en second lieu, que les demandes présentées en matière de travaux publics ne sont assujetties à aucune condition de délai ; que, dès lors, à supposer même que la lettre attaquée ait été purement confirmative d’une précédente correspondance, une telle circonstance ne peut, en tout état de cause, que rester sans conséquence sur la recevabilité de la demande devant les premiers juges ;

Considérant, enfin, que le jugement attaqué répond au moyen tiré du défaut d’intérêt des travaux pour le domaine dans lequel les conduites étaient en place ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que FRANCE TELECOM n’est pas fondé à soutenir que ledit jugement est entaché d’irrégularité ;

Sur le fond :

Considérant que le bénéficiaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public doit, quelle que soit sa qualité, supporter sans indemnité les frais de déplacement ou de modification des installations aménagées en vertu de cette autorisation lorsque ce déplacement est la conséquence de travaux entrepris dans l’intérêt direct du domaine public occupé et que ces travaux constituent une opération d’aménagement conforme à la destination de ce domaine ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction que des problèmes d’écoulement des eaux de la Bièvre au lieu de sa confluence avec le rû de Saint-Marc, à proximité de la rue Jean Jaurès à Jouy-en-Josas, ont provoqué le débordement de la rivière et sont à l’origine d’inondations de secteur ; que le Syndicat Intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre, qui a pour vocation la réalisation de travaux d’assainissement et d’aménagement hydrauliques, a décidé de procéder à des travaux pour remédier à cette situation qui aurait été de nature à engager sa responsabilité pour défaut d’entretien de l’ouvrage public à l’égard tant de la commune que des riverains ; qu’ainsi les travaux à l’origine du litige ont été exécutés dans l’intérêt du SYNDICAT INTERCOMMUNAL D’ASSAINISSEMENT DE LA VALLEE DE BIEVRE et de l’aménagement du bassin de la Bièvre ;

Considérant que si, suivant les recommandations du Laboratoire Central Hydraulique de France, le Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement de la Vallée de la Bièvre a décidé de déplacer le point de confluence des cours d’eau vers l’aval et de mettre en place, sous la chaussée de la rue Jean-Jaurès, une conduite forcée en béton armé, une telle circonstance est sans incidence sur la détermination du domaine dans l’intérêt direct duquel les travaux ont été envisagés ;

Considérant qu’il est constant que FRANCE TELECOM n’est pas bénéficiaire d’une autorisation d’occupation temporaire du domaine public fluvial de la Vallée de la Bièvre ; que, par suite, FRANCE TELECOM est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a annulé sa décision du 19 octobre 1987 en tant qu’il l’a regardée comme une décision de refus de procéder à ses frais au déplacement des conduites et câbles téléphoniques situés sous la rue Jean-Jaurès à Jouy-en-Josas ;

Sur la requête n 96PA00298 :

Considérant que le présent arrêt annule le jugement du tribunal administratif de Versailles en date du 13 avril 1995 ; que dès lors, il n’y a lieu de statuer sur la requête n 96PA00298 qui tend, par application des dispositions de l’article L.8-4 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, à en assurer l’exécution ; Sur les conclusions tendant à l’allocation d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens :

Considérant qu’aux termes de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ; qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce, en application des dispositions précitées, de condamner le Syndicat Intercommunal pour l’Assainissement de la Vallée de la Bièvre à verser à FRANCE TELECOM une somme de 15.000 F ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement en date du 13 avril 1995 du tribunal administratif de Versailles est annulé. Article 2 : La demande du Syndicat Intercommunal pour l’assainissement de la vallée de la Bièvre est rejetée ; Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête enregistrée sous le n 96PA00298 ; Article 4 : Le SYNDICAT INTERCOMMUNAL POUR L’ASSAINISSEMENT DE LA VALLEE DE BIEVRE est condamné à payer à FRANCE TELECOM la somme de 15.000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;