Expulsion en urgence d’un occupant du domaine public

image_pdfimage_print

Dans un arrêt récent, le Conseil d’Etat vient de rappeler que lorsqu’il est saisi d’une demande d’expulsion d’un occupant du domaine public, le juge des référés y fait droit si cette demande ne se heurte à aucune contestation sérieuse et si la libération des locaux occupés présente un caractère d’urgence.

S’agissant des locaux communaux occupés par une association, le Conseil d’Etat relève que l’urgence est caractérisée en ce que l’occupation contestée devant le premier juge compromet le fonctionnement du service public municipal, en faisant obstacle au regroupement, prévu par le contrat local de sécurité signé avec l’Etat, de l’ensemble des associations ayant une activité dans la commune.

Conseil d’Etat, 8 / 3 SSR 28 mars 2003 l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU, req. n° 252448

ARRET

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 11 et 26 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU, dont le siège est 1, rue Pasteur à Méru (60110) ; l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’ordonnance du 26 novembre 2002 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d’Amiens, statuant en application de l’article L. 521-3 du code de justice administrative, lui a, à la demande de la commune de Méru (Oise), ordonné de libérer sans délai les locaux qu’elle occupe au 1, rue Pasteur, faute de quoi il sera procédé à son expulsion ;

2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la requête de la commune ;

3°) de condamner la commune de Méru à lui payer la somme de 3 500 euros, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. El Nouchi, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Thouin-Palat, Urtin-Petit, avocat de l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU et de la SCP Bouzidi, avocat de la commune de Méru,

– les conclusions de M. Collin, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur l’autre moyen du pourvoi :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-3 du code de justice administrative : « En cas d’urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l’absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative » ;

Considérant que saisi, sur le fondement de l’article précité, de conclusions tendant à ce que soit ordonnée l’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public, le juge des référés fait droit à celles-ci si la demande présentée ne se heurte à aucune contestation sérieuse et si la libération des locaux occupés présente un caractère d’urgence ;

Considérant que par l’ordonnance attaquée, le juge des référés s’est borné à constater que l’association requérante occupait sans droit ni titre les locaux du 1, rue Pasteur à Méru, et a déduit de cette seule constatation qu’il y avait lieu d’en ordonner l’expulsion, sans rechercher si la libération de ces locaux présentait un caractère d’urgence ; qu’en ne faisant pas apparaître dans les motifs de son ordonnance, les raisons de droit et de fait pour lesquelles il considérait que l’urgence pouvait justifier la mesure ordonnée, le juge des référés n’a pas mis le juge de cassation en mesure d’exercer son contrôle, et, alors même que la réalisation de cette condition n’aurait pas été contestée devant lui, a ainsi entaché son ordonnance d’irrégularité ; que, par suite, l’association requérante est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu, par application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé engagée ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction que l’occupation par l’association requérante des locaux communaux en cause compromet le fonctionnement du service public municipal, en faisant obstacle au regroupement, prévu par le contrat local de sécurité signé avec l’Etat, de l’ensemble des associations ayant une activité dans la commune ; que la libération de ces locaux présente ainsi un caractère d’urgence ;

Considérant, en second lieu, que si la lettre du 20 avril 2001, par laquelle le maire de Méru a dénoncé au 1er juillet 2001, la convention mettant à la disposition de la MJC l’ensemble des bâtiments sis 1, rue Pasteur à Méru n’a pas été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, il est constant que l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU en a accusé réception le 4 mai 2001, donnant ainsi date certaine à l’envoi du courrier de la commune ; qu’ainsi cette dénonciation prenait effet à l’échéance suivante, soit le 1er juillet 2002 ; que la circonstance que la convention du 9 juillet 1997 a été signée par le maire agissant en vertu d’une délibération du conseil municipal du 30 juin 1997 n’imposait en tout état de cause pas que le non-renouvellement de la convention fût précédé d’une délibération du conseil municipal ; que l’association ne peut utilement se prévaloir de ce que la commune ne lui a pas versé les subventions qu’elle revendique, ni soutenir qu’elle aurait dû recueillir son accord sur la libération des locaux ; qu’ainsi, la demande de la commune de Méru tendant à l’expulsion de l’association requérante des locaux sis 1, rue Pasteur à Méru, ne se heurte à aucune contestation sérieuse ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la commune de Méru, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante soit condamnée à payer à l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application des mêmes dispositions de condamner l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU à payer à la commune de Méru la somme que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L’ordonnance en date du 26 novembre 2002 du juge des référés du tribunal administratif d’Amiens est annulée.

Article 2 : L’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU est condamnée à libérer sans délai les locaux sis 1, rue Pasteur à Méru.

Article 3 : Le surplus des conclusions de l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU et des conclusions de la commune de Méru est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION MAISON DES JEUNES ET DE LA CULTURE DE MERU, à la commune de Méru et au ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales.