L’envoi d’un courriel raciste ou antisémite à partir de la messagerie électronique professionnelle constitue une faute grave.

Dans deux arrêts rendus le 2 juin 2004, la chambre sociale de la Cour de cassation vient de juger que l’utilisation de la messagerie professionnelle pour l’envoi de courriels racistes ou antisémites est constitutive de faute grave.

Dans un premier arrêt, une entreprise avait licencié l’un de ses salariés pour faute lourde en « lui reprochant notamment d’avoir traité de « négro » d’autres membres du personnel qui lui étaient subordonnés ainsi que l’inscription de mentions à connotation sexuelle sur des fiches d’autres membres du personnel ». La chambre sociale de la Cour de cassation censure les premiers jugent en ce qu’ils ont écarté la qualification de faute lourde et décidé que ces faits, dont la réalité n’était pas contestée, étaient simplement « déplacés, voire de mauvais goût » et ne pouvaient être requalifiés en comportement fautif constituant un motif réel et sérieux de licenciement.

La cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 24 mai 2002 en considérant que « de tels faits, s’ils n’étaient pas constitutifs d’une faute lourde en l’absence d’intention de nuire à l’employeur, avaient nécessairement un caractère fautif. » Cour Cass. Ch soc. 2 juin 2004, n°02-44.904, Société Pavillon Montsouris SA arrêt n° 1163.

Cette position sera développée dans une seconde affaire suite à un arrêt de la Cour d’appel de Toulouse du 28 mai 2003.

Il résulte des faits de l’affaire, que le PDG de la société Spot image a reçu les protestations d’une personne domiciliée en Israël. Cette dernière expliquait qu’elle avait reçu un message provenant d’une adresse électronique de cette société.

Après avoir identifié l’utilisateur de cette adresse litigieuse, Marc X…, la société Spot Image a engagé à son encontre une procédure de licenciement pour faute grave, étant rappelé que ce dernier était « chef de service station-réception directe » de la société Spot image.

L’arrêt attaqué, après avoir retenu que le salarié mis en cause était bien l’émetteur du courriel incriminé, a estimé qu’il n’avait pas commis de faute grave, son licenciement ayant seulement une cause réelle et sérieuse.

La cour de cassation a censuré cet arrêt au motif que « le fait pour un salarié d’utiliser la messagerie électronique que l’employeur met à sa disposition pour émettre, dans des conditions permettant d’identifier l’employeur, un courriel contenant des propos antisémites est nécessairement constitutif d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la durée du préavis. » Cour Cass. Ch. Soc. 2 juin 2004, n°03-45.269, arrêt n° 1409 M. Marc X.. c/ Société Spot Image.

Il est intéressant de rappeler que le juge administratif avait adopté un raisonnement similaire.

Le Conseil d’Etat avait en effet approuvé la décision du Ministre de l’éducation nationale qui avait infligé à un agent, une sanction d’exclusion temporaire de six mois dont trois mois avec susris pour avoir diffuser son adresse courriel sur le site internet d’une association cultuelle. A cette occasion, le Conseil d’Etat avait rappelé d’une part, que le fait pour un agent d’utiliser des moyens de communication du service au profit de l’Association pour l’unification du christianisme mondial et, d’autre part, le fait d’apparaître sur le site de cette organisation en mentionnant son adresse électronique en qualité de membre de celle-ci, constituaient un manquement au principe de laïcité et à l’obligation de neutralité qui s’impose à tout agent public. Voir CE 15 octobre 2003 M. Jean-Philippe X…, Req. n° 244428.

Me Christian NZALOUSSOU